Nice a honoré les légendes du jazz
Écrit par sur 30 août 2025
Du 24 au 27 juillet 2025, le Nice Jazz Festival, dans le Sud-Est de la France, a brillamment relevé le défi de réunir plusieurs générations de musiciens et interprètes en jouant sur les contrastes sonores. Tandis que la grande scène de la place Masséna offrait un panel de tempos très actuels, le théâtre de verdure misait sur le swing irrésistible de virtuoses aguerris en révérant les grandes figures d’antan. Les regrettés Oscar Peterson et Ray Brown reçurent les honneurs de leurs dignes héritiers.
La soirée du 25 juillet commémorait le centenaire du pianiste canadien Oscar Peterson dont l’aura continue de nourrir l’inspiration de ses plus fervents disciples. C’est le jeune Sullivan Fortner qui eut la lourde responsabilité d’incarner, en toute liberté, le lyrisme de son auguste aîné. Il était toutefois secondé par deux instrumentistes de poids, le batteur Jeff Hamilton et le contrebassiste John Clayton. Ces deux fringants septuagénaires ont été les contemporains d’Oscar Peterson et ont su donner du relief au répertoire de ce vibrant hommage.
« Quand on est un instrumentiste, quel que soit le style de musique, (classique, blues, country ou jazz), on cherche toujours en priorité, l’excellence. C’est ce qui impressionne l’auditeur. Un artiste qui a le contrôle sur son art est immédiatement identifié, qu’il soit chanteur ou musicien. Dès que vous avez atteint ce niveau d’excellence, votre interprétation devient limpide. Si ce n’est pas le cas, l’auditeur aura toutes les peines à comprendre votre intention artistique. Il se trouve qu’Oscar Peterson était un maître de la clarté, de la limpidité. Il n’est pas essentiel de jouer vite. Il faut d’abord maîtriser un langage musical. Oscar Peterson y est parvenu. Il excellait, il avait cette flamme vitale jazz originale. Si ce personnage vous intéresse, écoutez ses enregistrements en solo et en trio, vous aurez ainsi une idée assez précise de son immense talent. » (John Clayton au micro de Joe Farmer)
La soirée du 26 juillet fut tout aussi vibrante. Un autre trio rompu à l’exercice du swing fit sensation. Le contrebassiste Christian McBride avait convié ses amis Benny Green et Gregory Hutchinson à le rejoindre sur scène pour revitaliser les œuvres de son illustre prédécesseur Ray Brown. Certes, ce n’est qu’en 2026 que ce pilier du jazz aurait fêté son 100e anniversaire mais perpétuer la tradition est un enjeu qui n’attend pas. Ainsi, ce merveilleux trio salua avec brio la mémoire de Feu Ray Brown en jouant avec les œuvres qu’il prenait plaisir à interpréter autrefois sur les scènes internationales.
« Ray Brown a été l’un des contrebassistes les plus productifs et célébrés à travers la planète. Il a joué avec de très nombreux musiciens, de Charlie Parker à Geoff Keezer, en passant par Frank Sinatra, Ella Fitzgerald dont il a été l’époux. Son aura dans l’histoire du jazz perdure de générations en générations. Ray Brown avait un côté paternaliste dans le bon sens du terme. Il a été pour moi, comme pour bon nombre de musiciens, un second père. John Clayton, Benny Green, Greg Hutchison, Geoff Keezer, Russell Malone, Diana Krall, ont tous ressenti sa présence comme un réconfort paternel. J’ai rencontré Ray Brown en mars 1991. Je jouais à l’époque avec le pianiste Benny Green. Nous avions formé un duo ensemble. Nous nous produisions dans un club de New York, le Knickerbocker. Il se trouve que la manageuse de Benny Green était une bonne amie de Ray Brown. Elle nous a prévenus qu’elle allait inviter ce grand contrebassiste à assister à notre concert. Heureusement pour nous, Ray Brown a beaucoup apprécié notre prestation et, un an plus tard, Benny Green est devenu son pianiste. Ray Brown a ensuite créé le groupe « Super Bass » dans lequel mon camarade John Clayton et moi-même avons pu nous exprimer musicalement. J’étais très intimidé. C’est la première fois que je ressentais physiquement la tonalité ample et généreuse de la contrebasse sur laquelle jouait Ray Brown. Il était tout bonnement le meilleur ! » (Christian McBride sur RFI)
L’édition 2025 du Nice Jazz Festival ravit les spectateurs car l’éclectisme affiché n’interdisait pas l’audace d’une programmation attentive à l’évolution du jazz. Après tout, ce rendez-vous estival du sud de la France existe depuis 1948 et fut parrainé par le trompettiste Louis Armstrong en personne. Son esprit plane certainement toujours au dessus de cette manifestation multiculturelle. Vivement 2026 !
► Nice Jazz Fest 2026 – Site officiel
Titres diffusés cette semaine
« Satin Doll » (Ellington/Strayhorn) par le John Clayton Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025
« Con Alma » (Dizzy Gillespie) par le John Clayton Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025
« Django » (John Lewis) par le John Clayton Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025
« The Summer Wind » (Heinz Meier) par le Christian McBride Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025
« Tanga » (Dizzy Gillespie) par le Christian McBride Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025
« Nancy With a Laughing Face » (Jimmy Van Heusen) par le Christian McBride Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025