Le centenaire de Bud Powell
Écrit par sur 28 septembre 2024
Bud Powell fut un pianiste prodigieux dont le talent subjugua ses contemporains, dont l’illustre Thelonious Monk. Affaibli physiquement et psychologiquement par les revers d’une destinée chaotique, il passera beaucoup de temps dans les hôpitaux et maisons de repos, notamment en France, où il résidera à la fin de sa vie. Le cinéaste français Bertrand Tavernier s’inspira d’ailleurs indirectement de ce personnage insaisissable pour son film « Autour de minuit ». Bud Powell aurait eu 100 ans, le 27 septembre 2024.
Earl Rudolph Powell naît à New York dans une famille de musiciens. Naturellement, son goût pour le jazz et la musique classique se développe rapidement. Il évolue très jeune dans de grandes formatons dont celle du trompettiste Cootie Williams. À cette époque, deux formes d’expression se côtoient aux États-Unis, le swing des Big Bands et le Be Bop de la génération montante. Bud Powell n’est alors qu’un observateur de cette confrontation stylistique qui oppose deux approches d’une même culture jazz. De jeunes frondeurs, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Charlie Parker ou Thelonious Monk, entre autres, s’autorisent une nouvelle lecture musicale qui bouscule le répertoire de leurs aînés, Duke Ellington, Cab Calloway ou Jimmie Lunceford. Bud Powell finira par épouser l’irrévérence de ses contemporains en devenant lui-même un acteur de cette révolution artistique notable dans les années 1940.
Son langage sonore s’affine et s’affirme au fil du temps. Son jeu délicieusement fougueux attire l’attention de ses homologues. La virtuosité de Charlie Parker au saxophone le fascine. Il parvient progressivement à transposer cette vivacité mélodique au piano. Bud Powell devient un instrumentiste de talent que l’on remarque et que l’on acclame. La société américaine reste cependant très inégalitaire et l’aura d’un artiste noir ne le préserve pas des réflexes racistes et des exactions policières. Tandis que le public salue les prouesses du nouveau prodige sur scène, sa vie bascule après avoir été violemment frappé à la tête par un représentant zélé de la force publique. Lentement, son esprit va se perdre dans un dédale de troubles mentaux qui le conduiront trop souvent dans des établissements spécialisés.
Bien que les années 1950 soient une période discographique faste pour Bud Powell, ses ennuis de santé perturbent son quotidien. La ségrégation raciale ne contribue pas non plus à son bien-être et sa vigueur décline. C’est à Paris que l’espoir renaît. Francis Paudras, jeune publicitaire français et pianiste à ses heures perdues, écoute depuis des lustres les disques de Bud Powell. Lorsqu’il croise la route de son héros, l’admiration se transforme en une complicité mutuelle. Prenant conscience des déboires de son camarade américain, Francis Paudras l’hébergera chez lui pendant de longs mois. La confiance reviendra, l’envie de jouer ressuscitera. Bud Powell retrouvera une forme de sérénité artistique et un fragile équilibre psychique. Il décidera alors de retourner vivre à New York en 1965. Il décédera un an plus tard, le 31 juillet 1966 à 41 ans.
Francis Paudras lui consacrera un ouvrage intitulé « La danse des infidèles » paru en 1986.