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Florilège 2025

Écrit par sur 27 décembre 2025

L’année 2025 fut inattendue, enthousiasmante, palpitante ! Auteurs, instrumentistes, interprètes, producteurs, photographes… Ils ont accompagné une saison radiophonique trépidante. Leurs propos éclairés ont enrichi nos connaissances musicales, ont affiné notre compréhension du monde, ont encouragé l’écoute et le partage. Retournons-nous une dernière fois sur les moments privilégiés des 12 derniers mois et souhaitons-nous d’être à nouveau émerveillés en 2026.

Tout au long de l’année, nous nous sommes promenés dans les festivals de France et de Navarre, nous avons arpenté les salles de spectacle, nous avons visité les studios d’enregistrement, nous avons accueilli des interlocuteurs passionnants qui, par leur verve et leur engagement, ont su restituer l’effervescence des cultures afro-planétaire au XXIe siècle. Curieusement, les Caraïbes ont plus spécifiquement occupé nos esprits en 2025. Micro à la main, nous avons croisé la route de musiciens antillais, cubains, haïtiens, jamaïcains, dont l’implication artistique nous a charmés.

 

L’un d’eux s’appelle Richard Payne. Originaire de Sainte-Lucie, au sud de la Martinique, ce pianiste et chef d’orchestre émérite faisait paraître au printemps 2025 un album intitulé « Introspection » pour lequel il avait sollicité une foultitude de virtuoses ultramarins. Ce collectif d’instrumentistes créoles inégalables nous avait ouvert les portes de son studio pour nous permettre d’assister à la genèse d’une production d’envergure. « Je ne conçois pas la musique de manière classique. J’apporte ma touche personnelle au melting pot caribéen. J’essaye donc de m’échapper de l’interprétation traditionnelle pour trouver les éléments que nous avons en commun et créer quelque chose de neuf. C’est ainsi que l’on parvient à symboliser l’unité des cultures caribéennes. Quand j’écris ma musique, je pense à toutes les composantes des Caraïbes, le Rara, le Bèlè, le Gwoka, le Reggae, mais je n’oublie pas pour autant les disques que j’écoutais durant ma jeunesse, le jazz de Miles Davis et Chick Corea, la musique classique de Bela Bartok et Claude Debussy. Tout cela fait partie de moi et je l’exprime avec mon âme caribéenne ». (Richard Payne sur RFI en avril 2025)

 

 

Comme les Antilles, Cuba est aussi une terre métisse où les cultures musicales se sont entrechoquées pour finalement créer un patrimoine d’une richesse exceptionnelle. Le pianiste Chucho Valdès est certainement le symbole ultime de cette quête d’universalité créative. Seul ou avec son groupe Irakere, il a défié les normes stylistiques et les barrières sociales pour trouver un espace de sérénité qui le hisse aujourd’hui au rang des maestros de notre temps. Le 04 avril 2025, il fit l’ouverture du « Cully Jazz Festival » en Suisse où nous avons eu le privilège de l’écouter se raconter : « Qu’ai-je donc appris durant ma carrière ? J’ai beaucoup appris. J’ai passé ma vie à chercher, en quelque sorte. Je suis allé en Afrique et, bien évidemment, aux Etats-Unis et à Cuba, dans les recoins les plus reculés où l’on percevait encore les racines africaines de notre musique qui ne sont pas bien étudiées d’ailleurs. J’ai aussi beaucoup appris d’Herbie Hancock, de Chick Corea, de Keith Jarrett, et même de Cecil Taylor. Ce que j’ai développé repose sur leur patrimoine musical. Leurs œuvres m’ont enrichi. Je pense également aux prestations de Quincy Jones ou au groupe de Miles Davis. De cette époque, j’ai développé un intérêt pour les sonorités électroniques, les synthétiseurs, le piano électrique et, grâce à cela, j’ai façonné un son particulier qui, de surcroît, faisait appel à la source africaine. J’avais en moi les rythmes traditionnels africains que je conjuguais aux sonorités électroniques ». (Chucho Valdès au micro de Joe Farmer, le 04 avril 2025 à Cully en Suisse).

 

 

Célébrer les aînés est une marque de reconnaissance et une main tendue à la jeune génération qui découvre ainsi l’héritage transmis par les pionniers au fil des décennies. À la Philharmonie de Paris, au mois de mai 2025, plusieurs disciples du regretté compositeur martiniquais Marius Cultier ressuscitaient son œuvre majeure, « La fleur et l’oiseau ». Alain Jean-Marie, Mario Canonge, Thierry Vaton, Gregory Privat, pour ne citer qu’eux, rendaient un vibrant hommage à un génial trublion disparu il y a 40 ans lors d’une prestation étincelante dirigée par le percussionniste David Donatien. Les 15 musiciens et interprètes antillais réunis pour l’occasion, dont Ralph Tamar et Tony Chasseur, avaient alors dignement revitalisé un répertoire trop peu exposé.

 

 

Se pencher sur ses racines est une exigence si l’on veut comprendre son cheminement personnel. Le jeune chanteur américain Tyreek McDole, nouvelle coqueluche de l’art vocal jazz, ne veut pas se soustraire à ses origines haïtiennes. Lors de son concert à Nice, le 26 juillet 2025, il n’éludait pas son attachement à son ancestralité originelle et sa prestation très swing s’en trouvait magnifiée. « Comme j’ai la chance d’avoir en moi une palette de cultures différentes, je ne peux qu’être influencé par cette myriade de sources d’inspiration. On ne parle pas assez souvent de l’impact des Caraïbes sur le jazz américain. On dit d’ailleurs que la Nouvelle-Orléans est la ville la plus au nord des Caraïbes car, ancestralement, il y avait beaucoup de commerce entre la Louisiane et les îles des Caraïbes : Trinidad et Tobago, Cuba, Haïti… Il y a donc dans cette région du monde, une interconnexion des cultures qui a fait de la Nouvelle-Orléans le fameux melting-pot dont tout le monde parle aujourd’hui. Les Américains pensent qu’ils ont créé seuls cette forme d’expression qu’on appelle « Jazz ». Ils oublient seulement l’influence des cultures voisines, des migrants, en d’autres mots, le reste du monde. Par conséquent, mes différentes origines m’ont ouvert l’esprit et, en tant que citoyen américain, j’ai profité des différentes traditions importées par les migrants. Nous avons tous contribué à la création des États-Unis. La musique américaine est donc le fruit d’un métissage international. Je suis un enfant du Rara et du Compas haïtiens mais aussi du Jazz, du Hip hop, du R&B américains. J’ai tout cela en moi ». (Tyreek McDole sur RFI depuis le Nice Jazz Festival 2025)

 

Quoi que puissent dire les éternels ronchons toujours prompts à critiquer l’audace multiculturelle de créateurs inspirés, cette année 2025 a une nouvelle fois prouvé que le dialogue, la tolérance et l’ouverture d’esprit, sont nécessaires à notre vie commune sur cette planète bleue. Gageons que 2026 entérinera une fois pour toutes l’exigence de tendre l’oreille et d’embrasser les évolutions du monde.


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