Sur les terres de B.B. King
Écrit par sur 17 mai 2025
Le « Roi du Blues » nous quittait, il y a 10 ans. Son épopée fut maintes fois contée par les historiens et spécialistes du patrimoine afro-américain mais ce récit épique élude parfois la personnalité intime de cet homme de cœur. À Indianola, où le regretté patriarche avait grandi et où il repose désormais, un musée a été élevé à sa gloire car, dans cette petite ville du Mississippi, saluer la mémoire du grand homme est un devoir patrimonial. Retour sur les terres d’une icône disparue.
Adulé par les amateurs de blues authentique, B.B. King était un homme très sollicité qui, autant qu’il le pouvait, tentait de répondre aux demandes pressantes du public et des médias. Cette vie dans le feu des projecteurs ne lui laissait que peu de temps libre pour jouir de moments privés à l’abri des flashes et des applaudissements. Il fut, certes, le premier à se féliciter de donner 300 concerts par an mais, au crépuscule d’une destinée trépidante, reconnaissait volontiers que cette course folle à travers la planète l’avait éloigné de sa région natale et de ses proches. Alors, de temps à autre, il revenait humer l’air du sud rural de son enfance sans attirer l’attention des photographes.
Trish Berry eut le privilège d’être dans le cercle intime du « Roi du Blues ». Chaque fois que le virtuose posait ses valises et sa guitare Lucille dans le Mississippi, elle était là pour l’accueillir. Son restaurant, le « Blues Biscuit », était leur point de rendez-vous. « C’était un homme généreux qui n’a jamais oublié d’où il venait. D’ailleurs, à l’époque où j’ai ouvert ce restaurant, il avait fait don de nombreux effets personnels à la Chambre de commerce locale et j’étais en charge de l’emmener là où il le souhaitait. J’ai donc passé beaucoup de temps avec lui et j’ai découvert combien il était chaleureux et bienveillant. Il avait toujours un petit geste pour mon fils ou pour moi. Il était attentif à son entourage. Il ne conduisait pas sa voiture mais, parfois, il s’autorisait une virée incognito dans la région. Je me souviens d’ailleurs d’une anecdote précise. Il avait emmené mon fils avec lui en promenade pendant plusieurs heures sans m’en avertir. À l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable, et je me suis fait un sang d’encre pour mon fils et pour B.B. King. Finalement, ils sont tous les deux revenus à la maison, en toute décontraction, pour m’informer qu’ils étaient partis regarder les maisons en vente dans la région car B.B. King souhaitait acheter une nouvelle demeure. Quand il revenait ici, c’était un peu chez lui. Disons qu’il faisait des apparitions ponctuelles quand il devait participer à des réceptions en son honneur, et j’étais, en quelque sorte, son chaperon pendant quelques heures, quand il ne décidait pas de s’échapper avec mon fils, en me disant : « On revient ! ». Et moi, je rétorquais : « D’accord, mais quand ? ». (Trish Berry au micro de Joe Farmer)
Dans le Mississippi, tout amateur de blues se doit de vanter les mérites du plus célèbre ambassadeur de la région. Que l’on soit collectionneur, archiviste, vendeur de disques ou documentariste, défendre l’image du héros est un sacerdoce. William Ferris est né en 1942 à Vicksburg. Il a eu le privilège de lier amitié avec le « King of the Blues ». Dans les années 70, il l’interrogea, le filma, le photographia, pour son documentaire « Give my poor heart ease ». Il eut ainsi la possibilité de toucher du doigt la vraie personnalité de son prestigieux interlocuteur. « B.B. King est le musicien le plus important dans l’histoire du blues. Très jeune, il conduisait des tracteurs dans le delta du Mississippi. Il n’a jamais vraiment eu de famille. Il a été élevé par sa grand-mère maternelle. Sa seule famille, c’était le blues et ce fut aussi, pour lui, une éducation. Il militait d’ailleurs pour que l’on enseigne le blues à l’école, du collège à l’université. Il m’a même offert une collection de disques et de photos pour que j’éduque mes étudiants et que ses œuvres soient archivées. B.B. King est la pierre angulaire de la préservation du patrimoine blues dans le Mississippi ». (William Ferris sur RFI)
Connaître B.B. King à travers ses disques est utile mais questionner ses amis, son entourage, sa garde rapprochée, est essentiel pour déceler sa vérité. 10 ans après sa disparition, son grand cœur n’a pas cessé de battre puisqu’il inspire, encore et toujours, les âmes sensibles.
⇒ Le site de B.B. King.
Titres diffusés cette semaine :
« When love comes to town » par B.B King (Universal) « Fine looking woman » par B.B King (Universal) « Waiting for your call » par B.B King (Universal) « Sitting on top of the world » par B.B King (Universal) « Lucille » par B.B King (Universal) « Why I sing the blues » par B.B King (Universal) « The thrill is gone » par B.B King (Universal) « Everybody’s had the blues » par B.B King (Universal) « Guess who » par B.B King (Universal)