Stevie Wonder a 75 ans !
Écrit par sur 10 mai 2025
La destinée du chanteur et pianiste Stevie Wonder est aujourd’hui connue de tous. Ses nombreux succès discographiques et ses engagements personnels ont fait sa légende. Que sait-on cependant de ses premiers pas dans l’art de nous émouvoir ? L’album Stevie Wonder – 1962 remonte le temps quand un gamin de 12 ans suscitait déjà l’attention des oreilles les plus affûtées. Patrick Frémeaux, éditeur de cette anthologie, nous conte une épopée vertigineuse.
Les balbutiements en studio du jeune Stevland Hardaway Judkins ne sont pas si anodins qu’on pourrait le penser. Ils révèlent, certes, un indéniable talent mais illustrent aussi l’évolution progressive de la musicalité africaine-américaine à l’aube d’une décennie bouillonnante. La Soul-Music, inventée quelques années plus tôt par Ray Charles, flirte encore avec le jazz des aînés. Little Stevie Wonder a cette tonalité hybride dans l’oreille et s’en empare inconsciemment. Il se laisse certainement guider par les conseils adultes de ses contemporains mais parvient à restituer une humeur sonore authentique dont la candeur le pousse rapidement dans le feu des projecteurs.
1962 est une année charnière. Le mouvement des droits civiques est sur le point de bousculer le conservatisme américain blanc et la communauté noire s’organise autour du pasteur Martin Luther King. Cet environnement social effervescent agite les esprits. Le sursaut est proche et va redessiner l’avenir d’une population trop longtemps meurtrie. C’est dans cet univers incandescent que le jeune Stevie Wonder se fraiera un chemin. Comme son aîné, Ray Charles, il comprendra très vite l’importance de prendre son destin en main. En 1962, Stevie Wonder est encore un enfant mais sa vigueur est un signal fort et laisse poindre une envie de se distinguer.
Ses tout premiers enregistrements sont les indices d’une future brillante épopée. Tout est là, l’enthousiasme, la maîtrise vocale et l’intention artistique. Il rend d’ailleurs hommage, sur son deuxième album, à son mentor Ray Charles dont il perçoit peut-être déjà l’investissement professionnel et les convictions personnelles. Cette volonté d’exister dans une Amérique ségrégationniste fut le lot de millions de citoyens afro-américains. Stevie Wonder ressentira violemment, dès sa prime jeunesse, l’injustice d’un système régi par des préjugés insensés. Alors, tout au long de sa vie, il veillera à prêcher la bonne parole à travers ses mots et ses notes. « Tout ne devrait être qu’amour », continue-t-il de clamer aujourd’hui. À 75 ans, son discours humaniste, égalitaire et empathique, n’a pas changé. Son premier 45T s’intitulait « I Call It Pretty Music But The Old People Call It Blues ». (J’appelle cela de la belle musique mais les vieilles personnes le nomment blues). Sa quête de beauté universelle avait déjà commencé…
Stevie Wonder se produira en juillet 2025 au Royaume-Uni. Rendez-vous à Manchester, Birmingham, Cardiff et Londres.
► Titres diffusés cette semaine :
« Sir Duke » par Stevie Wonder (Motown Records)
« Hallelujah I Love Her So » par Stevie Wonder (Talma Motown/Fremeaux & Associés)
« Fingertips » par Stevie Wonder (Talma Motown/Fremeaux & Associés)
« I Call It Pretty Music But The Old People Call It Blues » par Stevie Wonder (Talma Motown/Fremeaux & Associés)
« Happy Birthday » par Stevie Wonder (Motown Records)