Blues sur Seine, la musique en partage
Écrit par sur 15 novembre 2025
La 26è édition du festival «Blues sur Seine» ne déroge pas à l’intention initiale. Depuis 1999, consolider le lien social est le maître mot. Pour cela, les équipes programmatrices font preuve d’ingéniosité et de générosité en conviant les artistes à se produire dans des salles de spectacles, mais aussi des collèges, lycées, centres sociaux du département des Yvelines avec la volonté farouche de créer le contact, l’échange et l’écoute que l’on soit amateur ou non de musiques afro-planétaires.
Au-delà du plaisir d’accueillir des spectateurs impatients d’acclamer des artistes aguerris, «Blues sur Seine» parie sur les vertus pédagogiques d’assister à une prestation musicale. Comme l’a démontré le pianiste Sébastien Troendlé, il n’y a pas d’âge pour découvrir les différentes formes d’expression qui ont rythmé le quotidien des Afro-Américains au fil des décennies. Son concert, destiné à des écoliers, raconte l’épopée des pionniers du ragtime et du boogie-woogie. Si sa virtuosité fait mouche, son récit n’élude pas pour autant les défis d’une population confrontée au racisme et à la ségrégation au début du XXè siècle. Comprendre les enjeux sociaux, défendre des valeurs, susciter le respect, sont des objectifs cruciaux qu’il convient de réaffirmer. Si la musique peut capter l’attention de jeunes oreilles, vierges de tous préjugés éculés, la mission de l’artiste est accomplie.
Le bluesman Stephen Hull, également à l’affiche du festival «Blues sur Seine», a lui aussi un message à délivrer. À seulement 26 ans, il perpétue une tradition héritée de ses aînés, les B.B King, Albert King, Jimi Hendrix… Il a conscience de sa responsabilité patrimoniale. Il a le devoir de préserver un héritage afro-américain et cette intime conviction l’a rapidement hissé au rang des meilleurs instrumentistes actuels. Comme ses contemporains, Jontavious Willis, Jerron Paxton ou Christone «Kingfish» Ingram, il milite pour une reconnaissance universelle du blues dont il connaît la portée historique. Le genre musical qui l’anime a souvent conté l’aventure humaine de ses ancêtres et, pour que ce témoignage ne disparaisse pas, il joue chaque soir son rôle de jeune héritier, locuteur sincère d’un idiome transmis de générations en générations.
Quand le blues consolait le samedi soir les citoyens américains, dits de «seconde classe», dans les clubs miteux du sud des États-Unis, le gospel et les spirituals leur donnaient de l’espoir dans les églises baptistes le dimanche matin. Si l’on a souvent opposé le sacré et le profane, il n’est pas inutile de rappeler que l’expression artistique réunissait ces deux visions stéréotypées d’une société américaine embourbée dans ses contradictions. Le trio vocal «Ebony Roots», invité au festival «Blues sur Seine», a mélodieusement prouvé qu’un répertoire, inspiré par la foi, la bonté et la joie, n’est pas nécessairement issu de cantiques religieux. Chanter des airs de Sam Cooke, du Golden Gate Quartet, de Ben Harper ou de Bobby McFerrin peut suffire à notre bien-être sans intention prosélyte. Alors que les tensions internationales bousculent notre fragile XXIè siècle, il n’est pas vain de se laisser bercer par la musicalité d’artistes bienveillants.
Blues sur Seine se poursuit jusqu’au 22 novembre 2025 dans les Yvelines, près de Paris.