Le blues des pionniers inspire Jerron Paxton
Écrit par sur 7 mars 2025
Il semble que Jerron Paxton soit né avec un siècle de retard… Ce brillant guitariste, harmoniciste, pianiste et banjoïste américain a vu le jour en 1989 et se passionne pour le patrimoine de ses ancêtres. Son goût pour les artisans de la culture afro-américaine d’antan transpire dans chacune de ses interprétations. Brillant narrateur, il aime évoquer l’histoire de ses aïeux, la légende des pionniers, l’épopée des musiques noires… Son dernier album, Things done changed, nous plonge dans les années 20… les années 1920 !
Il y a 100 ans, exprimer ouvertement ses sentiments dans une Amérique ségrégationniste était plutôt périlleux lorsque la couleur de votre peau ne convenait pas à vos contemporains. Le blues était alors un mode de communication salvateur qui permettait de transmettre des messages à sa communauté sans que vos ennemis, opposants ou bourreaux ne s’en aperçoivent. La langue vernaculaire des Africains-Américains s’est donc développée à travers la musique et les chants dans le sud des États-Unis. Cette aventure humaine, désormais bien connue, passionne Jerron Paxton. Ses origines ancestrales louisianaises l’ont poussé à explorer cette culture rurale qui, autrefois, narrait le quotidien des populations locales. « Les instruments que j’utilise proviennent d’une terre dont sont originaires mes ancêtres et mes contemporains. Il y a une part de continentalité africaine dans l’histoire de mon peuple. Je trouve cela merveilleux mais je regrette que la nation américaine ne soit pas capable d’identifier les différentes sources africaines de son existence. Dès que les esclaves africains sont arrivés sur le continent américain, ils ont progressivement perdu l’essence de leurs racines ancestrales car le métissage avec les colons européens a, lentement, effacé la matrice de leur culture originelle. Nous sommes donc en quête perpétuelle de nos arrière-arrière-grands-parents ». (Jerron Paxton au micro de Joe Farmer)
Bien qu’il soit d’un naturel positif et optimiste, l’humour avec lequel Jerron Paxton délivre son discours sur scène ne cache pas son amertume quand, en 2025, les réflexes racistes continuent de polluer les relations humaines. Cette réalité sociale est manifeste outre-Atlantique et réduit les espoirs d’une prise de conscience collective. L’inculture historique nourrit la méfiance et les contrevérités. Alors, inlassablement, Jerron Paxton reprend son bâton de pèlerin et rappelle quelques faits incontestables dans le but d’éclairer la lanterne d’auditeurs attentifs. « Le banjo est, originellement, un instrument traditionnel ouest-africain, créé au Sénégal et en Gambie. Il s’agissait de l’ekonting. Mes ancêtres africains jouaient sur cet instrument. La légende veut que « Sambo », triste surnom que l’on donnait aux musiciens sur les bateaux négriers, jouait du banjo. Cette appellation est restée quand les esclaves en fuite étaient rattrapés par leurs geôliers. « Sambo » était devenu un nom aussi courant que « Smith ». Finalement « Sambo » fut associé au banjo et à la douloureuse période de l’esclavage. En jouant ce répertoire à mon tour sur cet instrument, je ne cherche pas à être un professeur en musicologie, j’essaye juste de donner des clés à tous ceux qui ignorent ce patrimoine. Je ne suis pas un enseignant mais si je croise un novice en la matière, autant lui donner envie d’en savoir plus ». (Jerron Paxton sur RFI)
Jerron Paxton est un être profondément altruiste mais n’hésite pas à rectifier les erreurs de ses interlocuteurs quand il perçoit un narratif imprécis ou incomplet. Son enthousiasme et son énergie vous imposent de l’écouter avec attention pour que la vérité jaillisse enfin !
Il n’est d’ailleurs pas le seul à vouloir préserver l’héritage culturel de sa région. En Géorgie, dans le Sud rural américain, le bluesman Jontavious Willis ravive la musicalité de ses aïeux à travers des albums enracinés dans l’âme noire. Son dernier disque, West Georgia Blues, a été salué par l’Académie Charles Cros en France qui lui a décerné le Grand Prix Blues pour l’année 2024. L’ambassade des États-Unis à Paris a aussitôt voulu lui signifier sa fierté et sa reconnaissance en l’invitant dans les salons de l’Hôtel de Talleyrand où une informelle cérémonie lui était dédiée en présence de ses parents.
Grâce à ces deux artistes révérencieux, « L’épopée des Musiques Noires » est magistralement contée, restaurée et revitalisée.
⇒ Le site de Jerron Paxton
⇒ Le site de Jontavious Willis.